En ce moment, nous lisons énormément de choses dans les journaux et sur les pages des réseaux sociaux à propos d'Israël et des relations que chacun de nous, en tant que Kabyle, doit avoir avec ce pays, qui, pour certains représente le mal absolu, puis pour d'autres un Etat respectable avec lequel on peut parler.
Ceux qui ne souhaitent pas avoir de relations avec Israël commencent toujours leurs discours par le fait qu'ils n'ont rien contre l'Etat d'Israël et le peuple israëlien, mais ils sont contre le sionisme. Puis d'autres, les partisans du rapprochement avec Israël, justifient leur souhait de normaliser les relations avec ce pays tout en signalant d'emblée qu'ils sont solidaires de la cause palestinienne.
Nous ne nous attardons pas sur la position de l'Algérie officielle. Etat détenteur de l'idéologie arabo-islamique, les autorités algériennes, considérant les Kabyles comme sa propriété, ne supportent pas l'idée que l'un d'eux se donne la liberté de visiter un pays que lui-même ne reconnaît pas. En bons dictateurs qui se respectent, ils crient à chaque initiative de liberté, prise par un Kabyle, au scandale, à la haute trahison et à la menace contre l'unité nationale.
Le débat qui nous intéresse est celui qui se situe entre les Kabyles, tous ou presque se disant laïcs, mais à travers les arguments des uns et des autres, nous constatons que ce débat n’est finalement qu’un pretexte pour exprimer des divergences politiques de fond, toujours les mêmes, et qu’Israël n'est en réalité qu'un sujet parmi tant d'autres, qui oppose les Kabyles qui veulent sauver leur kabylité en se libérant définitivement de l'Etat d'Alger, et ceux qui veulent donner sa place à la culture berbère en démocratisant le système algérien.
Encore une fois, notre réaction ne se porte ni sur Israël, ni sur la Palestine, encore moins sur l'Algérie. Notre réaction concerne la passion religieuse sous-jacente au débat, passion qui anime les antagonistes, les pro et les anti-Israël, et que personne ne semble assumer, de peur pour les uns de paraître athées et pour les autres de se révéler pro-islamistes .
Chaque fois que la religion s'invite au débat, les esprits s'emballent. Certains Musulmans kabyles, tout en acceptant du bout des lèvres l'idée de laïcité, accusent les défenseurs de celle-ci d’intolérance envers l'Islam et les soupçonnent même d'avoir des penchants pour le judaïsme et le christianisme et de souhaiter par la laïcité ré-introduire ces religions en Afrique du Nord. Quant aux partisans de la laïcité, écoeurés par l'hégémonie arabo-islamique, qui menace jusqu'à leur existence en tant que Kabyles, ils soupçonnent les premiers de proximité avec l’idéologie arabo-islamiste.
La presse algérienne ou même étrangère, proche de la Nation arabo-islamique s'amuse, elle montre les Kabyles Musulmans algérianisants comme de valeureux nationalistes, fidèles à leurs ancêtres qui ont donné leur sang pour l'Algérie arabe et musulmane, et accuse les Kabyles kabylisant de traïtrise, d'intelligence avec l'ennemi du moment, parfois israëlien parfois marocain, elle leur trouve même des affiliations au judaïsme. En deux mots, les Kabyles qui ne veulent pas de l'Islam, sont, pour l'opinion algérienne, automatiquement juifs.
Notre manifeste pour une Méditerranée libre
A Mare-Nostrum, nous nous posons la question suivante : Sommes-nous donc condamnés à être d'éternels descendants des Juifs et des Musulmans ? En tant qu'Africains du Nord, descendants des Libyens et des Numides, nous ne pouvons accepter la bipolarisation religieuse monothéiste nous concernant, qui vise à nous soumettre sprituellement et qui cherche sans cesse à nous confiner dans un camp ou dans un autre, souvent bélligérants, et ce depuis des siècles.
Il y a de ces amalgames que l'esprit rationnel ne peut tolérer. A l'orée du XXI siècle, nous ne pouvons vivre sur une terre, en l'occurence la nôtre, en tant qu'athées ou sans religion. Pour le monde moderne, nous sommes Musulmans, au mieux d'apparence musulmane; puis pour les Musulmans, nous sommes des traîtres, des renégats, des pro-évangélistes et pro-juifs. Personne ne nous demande notre avis. La religion nous colle à la peau et nous ne sommes que ce que les autres souhaitent que nous soyons.
Nous ne voulons déchoir aucun Africain du Nord de sa religion, chacun est libre de suivre la voie qui lui semble bonne, mais, en revanche, nous ne pouvons accepter qu'il baptise cette terre selon sa religion. Si l'Afrique du Nord est devenue le carrefour de beaucoup de peuples de confession juive, chrétienne et musulmane, cela ne leur donne pas le droit de revendiquer cette terre comme la leur. L'Afrique du Nord est aux Africains. Ce n'est pas nous qui le disons. La phrase a plus de 20 siècles et elle a été prononcée par un grand roi de la région du nom de Massinissa. Cette terre n'est donc ni juive, ni chrétienne, ni musulmane. Si le dieu monothéiste y a pris ses aises, il ne doit pas oublier qu'elle est aussi la terre d'Anzar et de Jupiter et de tous les dieux et des déesses méditerranéens qui l'ont précédé.
A Mare-Nostrum, nous dénonçons l'arrogance des Monothéistes qui, après avoir dévalorisé nos croyances et remis en cause l'existence de nos dieux et déesses, se sont partagé l'Afrique du Nord en se présentant comme les enfants du dieu monothéiste, le seul et le vrai. Non seulement ils nous imposent leur divinité, mais encore ils nous considèrent, eux les descendants des familles nobles et sacrées d'Orient, comme de sauvages païens qu’ils ont la mission de civiliser.
Les Monothéistes exigent le respect de leur religion, soit. Mais de quel droit s'attaquent-ils alors aux croyances anciennes ? De quel droit se moquent-ils des adeptes de Bacchus ? Des adorateurs du Soleil ? Des disciples d'Anzar ? Le Monotheiste est né en Orient. Beaucoup rencontrent l'esprit des prophètes à Jérusalem ou à la Mecque, grand bien leur fasse. De notre côté, nous le trouvons dans l'Agora d'Athènes et sur le site de Delphes. A chacun sa terre sainte. A chacun son lieu de pélerinage et de recueillement. Il y en a qui cherchent leurs vérités en Orient, nous, nous les cherchons dans l'Histoire et les ruines des grandes cités méditerranéennes : Epidaure, Athènes, Rome, Cyrène, Caesaré, Cirta, etc. A nos yeux, Prométhée n'a rien à envier à Moïse, Jésus et Mohamed; et les Livres d'Hésiode et Homère ne sont pas moins sacrés que la Torah, la Bible et le Coran. Toutes les religions sont sacrées ou aucune ne l'est.
A Mare-Nostrum, nous récusons le mot "Mythologie" pour les anciennes croyances. C'est manquer de respect à nos ancêtres que de les considérer comme des Djouhala ou des païens luxurieux et licencieux. Ni Saint Augustin, ni El-Ghazali, ni aucun penseur monothéiste n'a démontré l'inexistence d'Anzar, de Jupiter, d'Apollon ou encore d'Athéna, née en Libye. Nos ancêtres ont cru en ces dieux et déesses. Pour eux ils ont existé. Ils les appelaient les Immortels. Qui les a donc tués ? Leurs assassins ne sont-ils pas des blasphèmateurs ? Ne sont-ils pas des Koffar et des mécréants ?
Respecter un peuple, c'est respecter d'abord ses croyances ? Aucune religion n'est supérieure à une autre. Révélée ou pas, la religion est le produit culturel d'une société à un moment donné de son Histoire. L'Homme primitif aussi avait ses dieux. Qui ose le qualifier de sauvage, cet homme des cavernes, qui a affronté les pires phénomènes naturels, les fauves et les dangers de toutes natures pour pouvoir nous transmettre la vie, le plus beau des cadeaux ?
Qui ose traîter nos ancêtres, et au premier chef le roi Massinissa, de Djouhala, eux qui croyaient au Soleil. Le Soleil, figure d'Apollon, père du jour et maître de la vie ? Le Soleil dont la disparition signifiera la fin du monde, dixit les scientifiques modernes. Nos ancêtres étaient-ils si ignorants que cela ? Nous pouvons bien vivre sans le dieu monothéiste, mais pas sans l'astre solaire, ni sans Lune non plus.
Le Soleil, Gaïa la Terre, la Mer, les Fleuves, les Montagnes, l'Amour, la fête, la Sagesse, le Rêve, l'Ivresse, la Mort, la Joie, la Paix, la Guerre, les Arts, la Beauté... tout ce qui fait la vie est déifié par nos ancêtres. Tous les éléments qui participent à l'harmonie de la vie symbolisent pour eux des divinités. Un seul élément disparaît et c'est le retour au Chaos.
Aucune religion n'a le droit de s'accaparer les lumières célestes. Si le visage lumineux de Mohamed brillait pour les Musulmans; ceux d'Anzar et de Zeus-Jupiter s'alllumaient de mille feux pour les Païens, en l'occurence, nos ancêtres libyco-gréco-romains.
A l'annonce de l'Union Méditerranéene, nous avons rêvé comme beaucoup de gens de sa réalisation. Mais quelle a été notre mauvaise surprise quand nous avons vu sur les plateaux de télévisions françaises des Imams et des Rabbins s'emparer du sujet. Nous avons vu tout de suite la Méditerranée que nos dirigeants nous réservent, celle des religions. La Méditerranée, la mer d'Ulysse chantée par Homère; Mare-Nostrum de Rome; Agerakal d'Anzar... tout cela s'est effondré encore une fois, dans les eaux vineuses de la Méditerranée, comme autrefois la Rome païenne dans la Rivière Froide, écrasée par l'Empereur chrétien Théodose un certain 6 septembre 394. La Méditerranée, notre patrie comme dirait l'autre, se fera donc encore une fois sans nous les athées, les laïcs, les Barbares, les païens...
Voilà pourquoi nous avons créé l'association Mare-Nostrum, nous ne comptons pas rester à l'écart de ce beau projet qu’est la création de l'Union de la Méditerranée. Elle est notre mère aussi. La mer à laquelle nos ancêtres ont donné l'Histoire et l'aura dont elle bénéficie aujourd'hui, la mer d'Homère, de Virgile et d'Apulée, celle qui sent l'huile d'olive et le basilic.
Nous sommes pour une mer de liberté, un espace d'expression, un lieu de mémoire, un pont entre l'Europe et l'Afrique du Nord. Nous la voulons comme autrefois quand elle servait de trait d'Union entre Athènes, Rome et l'Afrique du Nord. Nous la voulons vineuse comme l'a chantée jadis le Grand Homère.
Pour tous les Kabyles et les Nord Africains qui partagez, avec nous, l'idée de la Renaissance Méditerranéenne, soyons vigilants, ne nous laissons pas distraire par les luttes religieuses monothéistes d'autrefois. Battons-nous pour construire un espace méditerranéen moderne sur nos valeurs, celles de nos ancêtres antiques, qui ont su le chanter et lui donner ses lettres de Noblesse.
Sortons de ce piège monothéiste, libérons-nous de la culpabilité et de la peur de la mort, suivons notre ancêtre païen Epicure d'Athènes qui disait : "N'ayez peur de la mort, on n'y entre pas les yeux ouverts." - Revenons aux sources, renouons avec la vie, remettons l'homme au centre de l'univers, soyons fiers de ce qu'étaient nos ancêtres païens, notre terre est aussi sacrée que celle des prophètes bibliques. La preuve, si la terre de leurs prophètes est si sacrée que cela, pourquoi leurs descendants l'ont-ils laissée pour venir nous prendre la nôtre, terre païenne, pleine de souillures ?
Nous finissons par ce proverbe mongol. Quand un père vieillit, il emmène ses enfants dans ses champs, il leur dit : "Mes enfants, voici votre terre, même si Dieu venait un jour à vous la réclamer, ne la lui donnez pas."
N'écoutons pas ceux qui appellent la Terre sacrée de leurs prophètes et de leurs ancêtres La Leur, et la Nôtre, celle d'Allah. Telle est la mentalité monothéiste : Mon bien m'appartient, quant au tien, je verrai dans mon livre sacré."