« Notre propos sur ce site est de rendre la Kabylie à sa dimension méditerranéenne, de faire de cette mer la nôtre. Il s’agit de retrouver notre héritage gréco-latin effacé, nié, refoulé par les aléas de l’histoire de l’Afrique du Nord et de cette côte sud de la Méditerranée, devenue le terreau de tous les fanatismes et de tous les fantasmes d’origines.
Nous sommes convaincus que le salut de la Kabylie et de toute l’Afrique du nord berbère peut venir de la redécouverte de cette dimension gréco-latine. Les textes grecs et latins ont nourri toute la réflexion sur le monde qui nous entoure, il n’y a qu’à songer à des domaines aussi différents que la politique, l’astronomie, les mathématiques ou la philosophie, autant de termes empruntés à la langue grecque.
Il est vrai que ces textes furent exploités, travaillés parfois même détournés par le monde dit occidental, ce qui les rend suspects aux indigènes colonisés que nous avons été et que nous sommes encore, malgré tout.
Mais ce n’est pas pour nous une raison de les délaisser ou de nous en détourner pour renier un héritage qui nous a été refusé aussi bien par les anciens colonisateurs que par les nouveaux décolonisés.
La culture gréco-latine porte en elle la possibilité de la libération, de l’autonomie au sens propre du terme, par cela même que s’offrant à tous indistinctement, elle n’appartient strictement à personne : de même que les chefs d’œuvre de l’art sont un patrimoine mondial, universel, de même Platon, Socrate, Cicéron ou Virgile peuvent être revendiqués comme appartenant à tous, alors pourquoi pas à nous Kabyles du XXième siècle.
D’autant qu’il y a entre nous et ces civilisations disparues un lien généalogique, génétique même, un lien qui revêt l’éclat d’une mer commune, la saveur de l’olive, le parfum du laurier et le bruissement de la cigale. De cette terre méditerranéenne, nous sentons dans les textes grecs et latins comme l’écho passé d’un présent qui nous fuit, qui disparaît peu à peu sous nos yeux.
La Kabylie et la culture kabyle se meurent d’une posture muséographique. Cela plaît aux tenants d’un pouvoir qui offrent à des revendications anciennes des miettes de reconnaissance, … mais n’est-ce pas déjà trop tard ? Le musée ne peut pas résister devant la mosquée. Le passé fantasmé des traditions est-il vraiment capable de rivaliser avec la promesse d’un paradis dans un arrière-monde ?
C’est à la culture de nourrir l’homme spirituellement, en donnant un sens aux mots de la tribu, en lui offrant un horizon, une perspective. La culture ne doit pas simplement persister ou survivre, elle doit vivre. C’est la possibilité que nous offre un regard vers les Anciens Grecs et Romains, At-Zik. Non au sens d’un passé mythifié et originel, mais d’une perspective offerte à des horizons nouveaux. « Rien de ce qui est humain ne nous est étranger », c’est un Africain de l’Antiquité qui a prononcé cette phrase, Térence, esclave affranchi devenu le représentant absolu du théâtre latin. Les humanistes de la Renaissance ont fait de cette phrase un étendard. Revendiquons à notre tour « nos humanités. »
C’est dans cette perspective que notre site se situe dans des domaines qui ne sont pas exclusifs :
- D’abord faire œuvre de comparatisme pour aller à la recherche de ce qui nous lie à cet espace méditerranéen antique, par l’analyse des rituels, des vestiges de mythes qui ont fait la société kabyle en jetant un pont avec les sources antiques.
- Ensuite traduire des textes latins et grecs dans notre langue en essayant de garder leur caractère lointain, pour enrichir, irriguer notre langue aux sources antiques.
- Enfin donner à réfléchir en déplaçant le regard, en faisant un pas de côté, en traçant une ligne oblique pour comprendre profondément ce qu’implique notre actualité chaotique. »