Voici une contribution de notre ami et maître, Jean-Michel Lascoux, ancien professeur de Lettres Classiques.
Elle permet de lire et considérer l'actualité brûlante et meurtrière de ces derniers jours de manière oblique, souriante mais néanmoins sérieuse.
A la manière de l'Apollon Loxias (l'Oblique) sous la protection duquel nous plaçons notre site
Devant les désordres provoqués par les excès de la liberté d’expression et les atteintes au sacré, il est urgent que la République se dote d’une législation claire et ferme sur le blasphème, qui fixe ce qui est licite et les limites à ne pas franchir.
Fidèle à son principe de laïcité, la République n’a pas à se prononcer sur l’existence de Dieu, mais rien n’interdit qu’au cas, même improbable, où il existerait un Etre Suprême, créateur et ordonnateur du monde, elle prenne, obéissant au principe de précaution, des mesures pour empêcher que son Nom ne soit insulté, sali ou déprécié.
La Divinité présumée n’ayant donné aux hommes aucune marque incontestable de son existence, il est loisible à chacun de croire ou de ne pas croire sans l’offenser, et ceux qui, ne croyant pas, se moquent de la Divinité ou la caricaturent ne sauraient tomber sous le coup de la loi, pas plus que s’ils s’en prenaient à tout autre personnage de fiction, comme le Père Noël ou Mickey Mouse.
Il en va autrement de ceux qui, d’une manière plus insidieuse – on aurait dit autrefois diabolique, puisque diable signifie calomniateur – défigurent l’image de l’Etre Suprême, suprêmement intelligent, bon, juste, miséricordieux, généreux, en le faisant passer pour stupide, méchant, hargneux, arbitraire, futile et ridicule.
En conséquence, la loi devra punir sévèrement ou interdire tout écrit et toute parole prétendant que Dieu ou son représentant a pu faire élection d’un peuple particulier, lui accorder quelque territoire que ce fût, prescrire des mutilations aussi minimes fussent-elles, pousser le ridicule jusqu’à interdire la chair de certains animaux pourvus ou non de cornes, de plumes, de sabots fendus et autres stupidités, jouer au magicien de cirque en changeant des bâtons en serpents, de l’eau en vin, en marchant sur l’eau ou en montant au ciel à cheval – tant l’imagination des pervers est fertile quand il s’agit d’insulter à la majesté du Dieu présumé.
De même la loi devra réprimer avec la plus grande rigueur ceux qui propagent – auprès de la jeunesse surtout – l’idée d’un Dieu cruel et sanguinaire, qui condamnerait les incroyants au Feu éternel de l’Enfer même s’ils ne sont coupables d’aucun crime.
En sévissant contre de tels blasphèmes, la République laïque non seulement rendrait son dû au Dieu présumé, mais surtout empêcherait qu’on ne blesse les croyants sincères en répandant cette erreur détestable, qu’un Dieu puisse être bête et méchant.
Jean-Michel LASCOUX